Le théâtre complet de Roland Topor enfin disponible chez Wombat !
« Le théâtre d’idées reçues, de pantomimes mécanisés, de paroles obligées, cruelle dramaturgie de la fatalité où l’homme bégaye une vie qu’il n’a pas choisie, Topor ne voulait pas la jouer. Pour lui échapper, il fuyait souvent dans son lit et combattait en rêvant l’obscure platitude de cette réalité à laquelle il était allergique. Toute l’œuvre de Roland est un songe révolté, un cauchemar réjouissant qui ricane de l’épouvante. (…) Mais qu’on ne s’y trompe pas, Topor n’est pas un auteur dramatique, il n’aime pas le théâtre : “La seule façon de ne pas s’ennuyer au théâtre, c’est d’en faire”, disait-il. Divin masochiste, il jouit en dansant sur les terres de l’ennemi et, lorsque le rideau s’ouvre, le plaisir de Topor devient aussitôt le nôtre. » (Extrait de la préface de Jean-Michel Ribes)
Ce deuxième tome du théâtre complet de Roland Topor recueille ses trois grandes pièces des années 1980-90, où l’auteur explore les ressorts cachés de l’aliénation, transformant l’homme en perpétuel étranger aux autres comme à lui-même. Dans l’adaptation théâtrale de Joko fête son anniversaire, fable grinçante et kafkaïenne, un jeune employé se laisse transformer en taxi humain, entraînant ses proches dans une mutation cauchemardesque. Hommage à La Métamorphose, Joko met à nu la servitude volontaire contemporaine et les perversions de l’« ubérisation » généralisée.
Dans L’Hiver sous la table, Dragomir, migrant d’un vague pays d’Europe centrale, sous-loue pour y vivre le dessous de table de Florence, une traductrice parisienne précaire, harcelée par son éditeur. Malgré l’étrangeté de leur situation, une relation complice se noue entre les deux jeunes gens… Inspirée par la figure de son propre père, cette pièce poétique et touchante de Topor a connu un succès international.
Dans L’Ambigu, un Dom Juan vieillissant et solitaire tombe à nouveau amoureux, mais cette fois de sa propre part féminine… Débute alors un « mono-dialogue » narcissique et vertigineux où son identité se craquelle sous les coups de l’ambiguïté sexuelle.
Travail, immigration, confusion des genres… Avec une lucidité tranchante, Topor signe trois pièces d’une frappante modernité, mais d’un humour omniprésent où le rire jaillit en contrepoint du pire.
Roland Topor (1938-1997) : peintre, dessinateur, écrivain, dramaturge, poète, chansonnier, cinéaste, acteur, photographe, etc. Remarqué très tôt pour ses étranges dessins au graphisme original (dans Arts, Bizarre et Hara-Kiri), il reçoit le prix de l’Humour noir dès 1961 et crée le mouvement d’avant-garde Panique avec Arrabal, Jodorowsky et Olivier O. Olivier.
Son premier roman, Le Locataire chimérique, sera adapté au cinéma par Roman Polanski ; son deuxième, Joko fête son anniversaire, recevra le prix de Flore en 1970 ; il écrira aussi des recueils de nouvelles, des pièces de théâtre et des livres concepts.
Du long-métrage d’animation La Planète sauvage (avec René Laloux, prix spécial du Jury à Cannes en 1973) au meilleur film sur Sade, l’étonnant Marquis (avec Henri Xhonneux), en passant par les émissions télévisées Merci Bernard, Palace et Téléchat, Topor marquera également de son empreinte le cinéma et l’audiovisuel.
Certaines de ses images (affiches pour Amnesty International ou les films L’Empire des sens et Le Tambour) ont fait le tour du monde, toujours relevées d’un humour noir féroce.
« De son vivant, Topor vendait peu de tableaux, en donnait beaucoup, ses livres faisaient des bides, ses pièces des scandales, ses films faisaient hurler les critiques, et tout cela le rendait hilare : qu’est-ce que vos parents ont été cons ! Dépêchez-vous de (re)découvrir ou même relire tout simplement ces petits bijoux d’un des génies du XXe siècle. Avant que trente crétins, par leur silence, ne nous l’enterrent pour de bon. » (Yves Frémion, Fluide glacial)