D’étonnantes histoires de bistrot, plus vraies que nature, écrites dans Hara-Kiri par l’auteur et cinéaste américain Melvin Van Peebles.
Mais où est donc passé le Chinois ? s’interrogent les habitués du Mon Moulin, petit café parisien du XIVe arrondissement, qu’une coupure de courant dans le quartier rassemble autour d’une lampe et d’une bouteille de vin, entre chien et loup. Du patron à la bonne, du représentant en vins au clochard, chacun livre alors une histoire – vies chaotiques, destins improbables et rêves brisés par la guerre ou la pauvreté, autant de fragments d’une humanité aussi crue que cocasse. Car Melvin Van Peebles restitue la voix populaire des troquets du début des années 1960 dans un style savoureux, un français de la rue métissé de sa propre langue, d’une émouvante poésie.
Ces contes de bistrot au réalisme magique teinté d’humour noir sont illustrés par Roland Topor, qui créera quinze ans plus tard son propre Café Panique.
« Melvin Van Peebles n’écrit pas dans sa langue natale. Il fallait le dire d’abord parce que le ton sonne si juste, ici, que nous croirions entendre un authentique citoyen du XIVe – ou de tout autre arrondissement populaire. C’est le ton de la rue, le ton des petites gens, dont certains eurent une jeunesse qui valait beaucoup mieux que leur avenir, et qu’ils évoquent parfois... » (André HARDELLET, extrait de la préface)
Cinéaste, acteur, musicien et écrivain, Melvin Van Peebles, né en 1932 à Chicago, réalise plusieurs courts-métrages aux États-Unis avant de venir à Paris à l’été 1960, sur l’invitation de la Cinémathèque française. Sans un sou, il survit d’expédients et apprend le français dans la rue et les bistrots, puis travaille un temps pour France-Observateur. Grâce à une rencontre avec l’écrivain Chester Himes, il fait la connaissance de Cavanna et toute la bande d’Hara-Kiri. De 1964 à 1966, il collabore activement à la revue, signant « La chronique du gars qui sait de quoi il parle » et prépubliant en grande partie Le Chinois du XIVe, illustré par Topor (dont l’unique édition, suite à la seconde interdiction de la revue, paraîtra chez Jérôme Martineau en 1966). Il y adapte aussi La Reine des pommes en BD avec Wolinski et traduit la première version française du fameux magazine d’humour Mad (8 numéros, 1965-66). À la fin des années 1960, il retourne aux États-Unis où il continue d’écrire, d’enregistrer des disques et réalise plusieurs longs-métrages, dont Sweet Sweetback’s Baadasssss Song (1971), le film fondateur du cinéma de « Blaxploitation », influence majeure de Spike Lee à John Singleton. Toujours actif, notamment avec son groupe Laxative (« pour faire chier les gens »), Melvin Van Peebles vit aujourd’hui à New York.
« Melvin, son cinéma, c’est le négro américain dessalé cigare au coin du bec j’emmerde les gros cons de blancs je méprise les négros qui ne sont que des négros. Tout Harlem dans un verre, Melvin. » (CAVANNA, Bête et méchant)
“ Ils s’en foutent de nous, on n’est que des petits. Du moment qu’on paie les impôts, après ça, ils s’en foutent de nous... Il faut penser grand dans la vie. Très grand, même. Nous, les petits, on est fabriqués pour penser petit. Et c’est là qu’on est eus. ”
« Depuis le temps qu’on l’attendait ! Voilà un petit chef-d’œuvre jamais réédité depuis 1966, un bijou illustré par Topor, un pur délice, qui nous emmène très loin et très près à la fois dans ce Paris popu des années 60 qui fut celui de Doisneau, Giraud, Cavanna et compagnie. (...) On entend leurs voix. Celle de la bonne à tout faire, du ricain noir, du clochard chiffonnier, etc. Onze histoires, onze merveilles. L’un dit : “Boire un canon, ça, c’est une expression que j’ai l’intention d’en étudier l’origine” (...) Non seulement, Van Peebles, dont le français n’est pas la langue natale, nous donne ici une vraie leçon de style, mais il sait deviner chez les petites gens de grandes et belles choses, et c’est là qu’il est grand. » (Jean-Luc Porquet, Le Canard enchaîné)
« Autour de la lampe à pétrole, chacun y va de sa petite histoire anodine, drôlement charpentée mais toujours lumineuse. Vous risquez d’Aymé : on dirait du Marcel. » (Philibert Humm, Paris Match)
« Le procédé narratif est connu, au moins depuis le Décaméron (...) Ce qui compte, c’est la jubilation de l’écrivain, qui s’ébroue dans le français comme chez lui, et qui prête sa plume à ses personnages plaidant pour le pinard contre l’atome, les chiens plutôt que les enfants – la patronne –, son singe plutôt que les humains – le patron,,, » (Jean-Claude Perrier, Livres hebdo)
« Illustré par Topor, ce recueil de fables ébouriffantes, d’une intelligence poétique, est l’œuvre de Melvin Van Peebles, artiste américain qui l’a rédigé entièrement en “français de bistrot”, c’est-à-dire dans une langue immédiatement accessible comme stupéfiante d’invention. » (François Perrin, TGV magazine)
« L’exploit pour cet Américain qui n’écrit pas dans sa langue natale est de parvenir à restituer le langage oral du café, de la pensée qui tressaute d’un sujet à l’autre. “Paris, ma foi, moi je trouve qu’on en dit plus qu’il n’y en a. À la fin du compte, j’ai bien vu que ce n’était pas le bout du monde comme j’aurais cru”, juge un des interlocuteurs. On croirait entendre des habitants d’un quartier populaire. (...) On y pressent les délires imaginaires que peuvent parfois donner les conversations alcoolisées et conviviales. Ici, la panne d’électricité rapproche les êtres, l’intimité exceptionnelle les a transcendés. » (Frédérique Roussel, Libération)
« Du patron à la bonne, du vieillard au clochard, chacun va y aller de son histoire. Des histoires drôles, tristes, crues ou cruelles. Pas des racontars de poivrots, plutôt des fragments de vie, des destins improbables brisés par la guerre ou la pauvreté. Chacun s’exprime à sa façon mais tous ont en commun une humanité débordante. Ces histoires ont beau avoir plus de cinquante ans, elles me parlent. Et j’aurais adoré être autour de la table pour les partager, un verre à la main. » (Jérôme Prévost, D’une berge à l’autre)