« La fable express est une parodie de fable, qui naquit à la fin du xixe siècle, époque de fantaisie, d’invention, et de jeu avec la langue. Alphonse Allais fut un virtuose du genre. La recette en est simple : une poignée de vers de mirliton, aromatisés à l’absurde, à l’insolence ou à l’obscénité, et une « morale » en général très peu morale, qui parodie parfois dictons et lieux communs, mais ça n’a rien d’obligatoire. La « morale » est à double sens : elle cache une autre formule, qui se prononce de la même manière mais dit tout autre chose. Bref, c’est un calembour. Le but ? Le jeu, le rire. » (Pierre Jourde)
Après une savante et savoureuse présentation, Pierre Jourde revisite en cent et une fables (agrémentées de commentaires) ce drôle de genre littéraire, exercé entre autres par Alphonse Allais, Boris Vian et Marcel Gotlib. Une forme d’écriture pour de rire à la portée de tous et un véritable manifeste pour une littérature humoristique, drolatique et populaire.
Écrivain et critique littéraire, Pierre Jourde a longtemps été professeur de littérature française à l’université. Il a publié une quarantaine de livres, dans tous les genres (poésie, essais, romans, satire littéraire, théorie de la littérature…), ainsi que des ouvrages avec divers artistes, et dirigé l’édition de Huysmans en Pléiade. Il tient une chronique sur le site culturel de L’Obs, Bibliobs. Parmi ses publications : Empailler le toréador (Corti, 1999), La Littérature sans estomac (L’Esprit des péninsules, 2002, prix de la critique de l’Académie française), Pays perdu (L’Esprit des péninsules, 2003), Festins secrets (L’Esprit des péninsules, 2005, prix Larbaud, prix Renaudot des lycéens, prix Thyde Monnier de la SGDL), Le Jourde & Naulleau (Mango, 2008), Le Maréchal absolu (Gallimard, 2012, prix Virilo), La Première Pierre (Gallimard, 2013, prix Jean Giono), La Culture bouge encore (Hugo, 2016), Le Voyage du canapé-lit (Gallimard, 2010).
Site : www.pierrejourde.fr
Ah que j’aime, aux temps chauds, des beignets japonais,
Et puis un doigt d’orgeat dans un pastis bien frais.
Ô tempura, ô moresque !
Question gastronomie l’Espagne est dans le vent :
Poulpes et tortillas épatent le chaland.
Tapas emballent.
La belle Yse a voué sa jeunesse au Seigneur.
Lorsqu’au couvent parfois on reçoit Monseigneur,
Qui malgré son grand âge est tout plein de vigueur,
Yse grimpe le vieux car elle a très bon cœur.
Sœur Yse sur le gâteux.
Thomas, fils de fermier, ignorait tout amour.
Chèvres ou bien chevaux étaient son seul recours.
Son père un jour le vit besogner l’étalon,
Mais la mère lui dit : paix au pauvre garçon,
Laisse Thomas dans l’étalon.
On sait de quoi mourut Spinoza le sublime :
Il avait contracté la maladie de Lyme.
Les tiques de Spinoza.
Je hais les jacuzzis, les spas où l’on s’entasse,
On y trempe la peau dans de douteuses tasses
Où des gens sales glissent un cul plein de crasse.
En l’eau, culs rances.
Le stalag, mes enfants, c’était pas des vacances,
Et c’est pas tous les jours qu’on y faisait bombance.
Pour tromper la fringale, on sniffait un peu tout,
La colle ou la peinture, on en avait son saoul.
Trip à la mode des camps.