Le narrateur (Delfeil), flanqué de son comparse l’abbé Mardi, expert en sermons du dimanche, vivent dans leur petit village toutes sortes d’aventures épatantes. Des chapeaux s’envolent, des meubles partent en transhumance, des mafieux s’invitent à venir manger des spaghettis quand on ouvre le robinet, de splendides femmes vampires frappent à votre porte pour vous offrir des culs-de jatte et, par-dessus le marché, il pousse des couilles dans le cerisier...
Paru épisodiquement dans Charlie (1969) et Hara-Kiri (1975-1976), le Journal est un ovni littéraire totalement inclassable, un chef-d’uvre d’humour noir.
Le Journal de Delfeil de Ton a donné lieu à un tirage de tête de 50 exemplaires (dont 15 hors commerce
réservés à l’auteur et aux collaborateurs) numérotés et signés par Delfeil de Ton,
avec un portrait par Reiser. Il est disponible au prix de 35 €.
À commander à : Éditions Wombat 3 rue Simart 75018 Paris
Delfeil de Ton entre dans les ordres, au sein de la Confrérie du Square, en 1967. Il restera fidèle à Hara-Kiri jusqu’à la disparition du saint journal en 1986. Éditorialiste de Charlie hebdo de 1970 à 1975 (le plus virulent que l’hebdomadaire ait connu), il écrira ensuite pour Libération, Psikopat, L’Autre Journal, Histoires littéraires, Siné hebdo, et bien sûr Le Nouvel Observateur (où il signe depuis 1975 « Les lundis de DDT »).
Delfeil est en outre un des maîtres d’uvre (avec Cavanna, Wolinski, Gourio et Berroyer) de l’anthologie Hara Kiri, le pire (Hoebëke, 2010). Le Journal est son premier livre publié depuis Mon cul sur la commode, il y a trente-cinq ans.
« J’ai vécu ça. Si je ne l’avais pas noté à mesure, je n’y croirais pas moi-même. Il le faut bien, pourtant. Quelle nécessité de le publier aujourd’hui ? Quelle nécessité de ne pas le publier ? Quelle nécessité, pour vous, de le lire ou de ne pas le lire ? En ce temps-là, il y avait une fois. Je m’en suis sorti. Pour lors, vous verrez, j’étais en plein dedans. À la grâce de Dieu. »
“ Après le départ de l’abbé, j’ai lavé Germaine, pour qu’on la trouve propre s’il m’arrivait
malheur demain. L’ayant lavée, je l’ai coiffée, parfumée, puis un violent désir d’elle m’a pris.
Ne me contentant pas de la frapper, je me suis livré sur elle à une agression sexuelle. Elle m’a éclaté à la
figure ! J’étais furieux.
J’ai fini par reprendre mon calme. J’ai décidé de renvoyer Germaine par la poste à l’organisme qui me l’avait
vendue. J’avais disposé les débris dans une boîte et je m’apprêtais à en faire un paquet quand, vérifiant
l’adresse, je me suis aperçu que la garantie ne portait que sur six mois. J’avais Germaine à la maison depuis plus d’un an.
J’ai jeté ses restes à la poubelle car elle n’était assurément pas réparable. J’ai agi comme un sot.
J’aurais dû lui faire l’amour au moins une fois pendant qu’elle était sous garantie, pour vérifier qu’elle
résistait. Je n’aurais jamais cru que cela faisait plus d’un an qu’elle était là. C’est égal,
je ne suis pas un chaud lapin.
J’ai pensé à écrire à l’organisme pour leur expliquer que je ne m’étais jamais uni à
Germaine et qu’elle était vierge, en quelque sorte, quand elle a éclaté, mais j’ai eu peur qu’ils se fichent de moi.
Après, je me suis dit que cela leur était sans aucun doute indifférent. La plupart de leurs clients doivent être des malades,
ils ont dû en voir d’autres. C’est leur indifférence, finalement, qui m’a fait renoncer à réclamer,
Quand on a pour toute adresse un numéro de boîte postale et pour raison sociale « Femme-ersatz »,
on n’est sûrement pas sensible aux cas particuliers. « Femme-ersatz », ce doit être des
Allemands qui fabriquent ça. Il fut un temps où la fabrication allemande était renommée. Ils font venir des
Turcs et des Arabes dans leurs usines, voilà le travail. ”
“ Ce matin, je monte dans mon cerisier pour cueillir des cerises. Parmi les cerises, je trouve une paire de couilles qui était pendue.
Je vérifie que ce ne sont pas les miennes, je m’interroge. Quelle n’est pas ma stupéfaction lorsque que je m’aperçois
que ces couilles ne sont pas accrochées à la branche mais qu’elles y sont bel et bien pendues comme un fruit parmi les autres fruits.
Je suis vite redescendu de mon arbre, car je craignais que la tête me tourne et de tomber.
D’en bas, j’apercevais les deux couilles, tranquilles parmi les cerises. C’était un grand mystère.
Cela m’est arrivé ce matin. Ce soir, j’avoue que je ne m’y suis pas encore habitué.
J’aurais trouvé, au fond de mon jardin, que mon cerisier s’était transformé en arbre à couilles,
j’aurais été bien surpris, mais enfin je l’aurais peut-être admis. Là, je ne puis admettre. Un arbre donne
des cerises ou il donne des couilles. Que mon cerisier donne en même temps des cerises et des couilles, pour moi cela dépasse l’entendement.
Après un moment, je suis remonté dans l’arbre pour examiner ces couilles de plus près. Je n’avais osé les toucher.
Cette fois, je n’y touchai point encore mais je les examinai soigneusement. C’étaient des vraies couilles, et qui avaient tout
l’air de couines humaines. Elles étaient pleines.
Je n’y portai les mains qu’après être monté sur mon échelle, une troisième fois.
Si des doutes avaient subsisté dans mon esprit, la palpation les aurait dissipés, ainsi que l’odeur de mes doigts que je portai à mon nez après les avoir palpées.
Je ne les ai pas cueillies.
Je me suis abstenu de manger des cerises. ”
« Enfin, Delfeil de Ton publie Le Journal de Delfeil de Ton ! Permet qu’on publie, plus
justement dit. Ces pages attendaient le bon vouloir de l’auteur depuis... depuis les années lumineuses de
Hara Kiri et de Charlie mensuel. C’est vous dire... Une question cruciale se pose après
lecture : est-ce du lard ou du cochon ? Autrement dit, vous n’en sortirez pas comme vous y êtes
entré. La littérature ? C’est là qu’elle est. Et de la bonne, celle qui se marre
en français d’Académie. » (François Cavanna, Charlie hebdo)
« Le camarade DDT a un radar pour détecter la bêtise, doublé d’un style qui
n’appartient qu’à lui. Et le voilà qui publie son hilarant Journal de Delfeil de Ton...
C’est du nonsense à l’état pur, comme seuls savent le pratiquer certains Anglais, Marcel
Aymé, et Delfeil de Ton. » (Grégoire Leménager, Le Nouvel Observateur)
« Paru épisodiquement dans Charlie et Hara-Kiri, le Journal de Delfeil de Ton est un
délire total. Les meubles s’en vont en Belgique, les robinets donnent des ordres, des femmes vampires vous
offrent des culs-de jatte, alors que des couilles poussent un peu partout... Au fil des jours et des aventures saugrenues
se tisse un petit roman complètement absurde où l’on rit de bout en bout. » (Jacques Sterchi,
La Liberté)
« Que ceux qui croient que les Anglais ont le monopole de l’absurde lisent Delfeil de Ton. Monté
comme un journal intime regroupant huit histoires, soit huit mois de 31 jours chacun, ce premier livre des jeunes
éditions Wombat est un petit bijou de non-sens, d’une grande qualité littéraire... Paru
entre 1969 et 1976 dans Hara Kiri et Charlie, le Journal a conservé intact son pouvoir humoristique
décapant, mais aussi son inquiétante bizarrerie. Car en imprégnant son récit de peurs
enfantines, de frustration sexuelle et d’une violence froide qui surgit sans crier gare, Delfeil de Ton ne
fait pas seulement rire, mais signe une uvre trouble et magnétique. »
(Mikaël Demets, blog L’Accoudoir)