Et si les Noirs devenaient blancs, le racisme disparaîtrait-il pour autant ?
Selon Max Disher, jeune Noir de Harlem en ce début des années 1930, un membre de sa communauté n’a que trois alternatives : « Foutre le camp, devenir blanc ou serrer les dents ». Incapable de partir et n’appréciant guère de s’aplatir, Max va bondir sur la deuxième opportunité.
En effet, grâce à Black No More™, mystérieux procédé créé par un certain Dr Junius Crookman, qui permet de changer de couleur de peau en trois jours (et vingt-quatre heures seulement pour un nouveau-né !), Max et une foule de clients noirs empressés sont blanchis et peuvent ainsi s’introduire dans un monde qui leur était jusque-là interdit. Mais les Blancs sont-ils vraiment plus heureux ? Ce que Max découvre de leur société ne tarde pas à le laisser dubitatif...
Roublard et opportuniste, notre anti-héros ira néanmoins au terme d’une rocambolesque aventure qui fera de lui, l’ex-Noir de Harlem, le porte-parole d’une nouvelle organisation suprématiste blanche, les Chevaliers de Nordica, des épigones du Ku Klux Klan qui s’insurgent contre la transformation de la race à grande échelle !...
Fable satirique grinçante, dans la lignée d’un Swift et d’un Orwell, Black No More ne se contente pas de déboulonner les mythes de la suprématie blanche et de la pureté raciale mais brocarde aussi les principaux leaders de la NAACP et de la Harlem Renaissance. Original et atypique, le roman de Schuyler nous offre un point de vue décapant sur l’hypocrisie, la démagogie et les magouilles populistes accompagnant l’obsession américaine pour la couleur de peau.
« Ce livre extravagant est bien plus qu’une curiosité historique et sa résurrection est une révélation » (Kirkus Review, USA)
Cette contre-utopie humoristique est l’œuvre d’une grande figure méconnue de la littérature afro-américaine. George S. Schuyler (1895-1977) écrivit pour le journal le plus influent de la communauté noire, le Pittsburgh’s Courier, mais aussi pour The Nation ou l’American Mercury de H. L. Mencken. Satire mordante parue en 1931 qui lui valut l’hostilité générale, Black No More ne sera redécouvert aux États-Unis qu’au début des années 1990, réédité quatre fois depuis, s’imposant de fait comme « un classique de la littérature américaine » (Ishmael Reed).
“ Au début des années 1970, George Schuyler était si éloigné du courant politique dominant dans la communauté noire que Steve Cannon et moi fûmes sévèrement critiqués pour avoir osé l’interviewer. À cette époque, on lui reprochait son soutien à Richard Nixon et, pendant l’entretien, je remarquai une photo de lui accrochée au mur parmi des affiches de concert de sa fille Philippa* et d’autres souvenirs. Aujourd’hui, en 1999, l’élite afro-américaine se rassemble pour soutenir un président dont l’objectif est de « louer » le filet de sécurité sociale qui a offert un minimum de protection pas uniquement aux Noirs américains mais aussi aux Blancs. À plus d’un titre, le candidat des années 1970 choisi par Schuyler pourrait être considéré plus à gauche que Bill Clinton sur les questions sociales et, vu les déclarations de la nouvelle génération d’intellectuels noirs ayant pignon sur rue, Schuyler paraît bien centriste aujourd’hui. Ce dernier s’amuserait probablement de cette évolution. Il se faisait une piètre opinion des politiciens, les voyant, eux et les membres d’autres professions – ecclésiastiques, affairistes, savants et intellectuels – comme des voleurs spécialisés dans l’abus de confiance. Lors de notre rencontre avec Schuyler, il qualifia souvent d’« arnaqueurs » de nombreuses personnes et, même à son âge, son don pour flairer les escroqueries était toujours étonnant. Quand nous l’interrogeâmes sur la Renaissance de Harlem, il nous confia : « Certains d’entre eux ne vivaient même pas à Harlem. »
Cette attitude et ses exceptionnelles qualités littéraires (sa dévotion au langage, son esprit mordant, sa maîtrise de l’ironie et son oreille pour les parlers américains dont il a fait un véritable sujet d’étude) lui inspirèrent ce qui pourrait bien être l’œuvre de fiction consacrée à la question raciale la plus cinglante jamais écrite par un Américain : Black No More.
Mêlant la comédie, la science-fiction et la satire, Schuyler crée un univers de possibles à partir de cette simple prémisse : que se passerait-il si quelqu’un trouvait un procédé pour changer les Noirs en Blancs ? ”
* Philippa Schuyler (1931-1967) fut une pianiste prodige qui abandonna sa carrière à la trentaine pour se consacrer au journalisme. Elle mourut dans un accident d’hélicoptère alors qu’elle participait à l’évacuation d’orphelins en pleine guerre du Vietnam. (NdT.)
© Ishmael Reed, 1999 C/o Lowenstein Associates, Inc / Nouvelles Éditions Wombat, 2016.
« Wombat a eu la bonne idée de rééditer Black No More, qui pourra ainsi reprendre sa place méritée parmi les satires les plus subversives et délirantes du xxe siècle. (...) Les fachos, les businessmen, les pauvres, les militants antiracistes, les politiciens, les hommes, les femmes et bien sûr les Blancs autant que les Noirs : tout le monde en prend pour son grade dans la plus grande hilarité ; on aura rarement lu un jeu de massacre aussi jouissif que cette farce caustique et désespérément contemporaine. » (Sebastian Dieguez, Vigousse, Suisse)
« Entre science-fiction et satire sociale, le rocambolesque Black No More brocarde la suprématie blanche et le mythe américain. (...) L’enfant terrible de la Harlem Renaissance qu’était Schuyler, mal aimé de ses pairs, commet avec ce brûlot la fiction la plus avant-gardiste jamais écrite sur la question raciale. » (Frédérique Briard, Marianne)
« Dans Black No More, George S. Schuyler imagine qu’un procédé miracle permettant aux noirs de se blanchir la peau révolutionne l’Amérique. Et en tire une drôle de fable au vitriol... (...) Schuyler a du mordant, le sens de l’observation, du style. Un détail : ce roman en forme d’énorme farce a été publié en 1931. Il est traduit en français pour la première fois. Le ton, la vivacité, l’alegria : on dirait qu’il a été écrit hier matin. » (Jean-Luc Porquet, Le Canard enchaîné)
« En 1931, George S. Schuyler, journaliste pour plusieurs publications de la communauté noire, manque de finir avec du goudron et des plumes à cause de ce livre extravagant, fable grinçant (évoquant les romans à venir d’un Chester Himes) tapant tous azimuts sur la question raciale. Un classique, jusqu’ici inédit en France. » (Philippe Blanchet, Rolling Stone)
« Une féroce pochade futuriste, hélas terriblement actuelle, qui tire sur tout ce qui bouge sans épargner la moindre forme de bêtise humaine. » (Grégoire Leménager, L’Obs)