Roland Topor, auteur de BD ? Interrogé à ce sujet, Topor répondait souvent que dessiner le même personnage de case en case l’ennuyait... Pourtant, c’est en fin connaisseur qu’il adapte Le Fils de l’ivrogne de Cami, hommage au strip La Semaine camique qui fit les beaux jours de L’Illustration de son enfance.
De fait, dessinateur exceptionnel d’un côté, auteur à l’imagination débordante de l’autre, Topor devait, à la croisée des chemins, s’essayer à la narration graphique. Au gré de ses collaborations à Hara-Kiri, Charlie mensuel, Le Petit Psikopat illustré ou Strips, il créera ainsi nombre d’« histoires en images » au style très personnel mais d’une grande variété, avec un souci constant d’invention.
Premier ouvrage consacré à cet aspect méconnu de son uvre, Strips Panique réunit huit bandes dessinées, pour la plupart rares et introuvables, réalisées entre 1962 et 1996. Du virulent pamphlet anti-De Gaulle de 1968 La Vérité sur Max Lampin au chef-d’uvre oublié Erik, conte muet cruel, Topor, en artiste hanté et ludique, ne cesse de chercher et de provoquer – par le rire et le sang – l’étonnement.
Roland Topor (1938-1997) : peintre, dessinateur, écrivain, dramaturge, poète, chansonnier, cinéaste, acteur, photographe, etc. Remarqué très tôt pour ses étranges dessins au graphisme original (dans Arts, Bizarre et Hara-Kiri), il reçoit le prix de l’Humour noir dès 1961 et crée le mouvement d’avant-garde Panique avec Arrabal, Jodorowsky et Olivier O. Olivier.
Son premier roman, Le Locataire chimérique, sera adapté au cinéma par Roman Polanski ; son deuxième, Joko fête son anniversaire, recevra le prix de Flore en 1970 ; il écrira aussi des recueils de nouvelles, des pièces de théâtre et des livres concepts.
Du long-métrage d’animation La Planète sauvage (avec René Laloux, prix spécial du Jury à Cannes en 1973) au meilleur film sur Sade, l’étonnant Marquis (avec Henri Xhonneux), en passant par les émissions télévisées Merci Bernard, Palace et Téléchat, Topor marquera également de son empreinte le cinéma et l’audiovisuel.
Certaines de ses images (affiches pour Amnesty International ou les films L’Empire des sens et Le Tambour) ont fait le tour du monde, toujours relevées d’un humour noir féroce.
« De son vivant, Topor vendait peu de tableaux, en donnait beaucoup, ses livres faisaient des bides, ses pièces des scandales, ses films faisaient hurler les critiques, et tout cela le rendait hilare : qu’est-ce que vos parents ont été cons ! Dépêchez-vous de (re)découvrir ou même relire tout simplement ces petits bijoux d’un des génies du XXe siècle. Avant que trente crétins, par leur silence, ne nous l’enterrent pour de bon. » (Yves Frémion, Fluide glacial)
« Contes morbides et absurdes (Le Fils de l’ivrogne, L’Extravagant Monsieur Brok),
BD muette et sanguinolente (Erik), variation autour d’un motif graphique (L’Homme et la mouche),
exercice de style autour du thème de l’exécration (La Vérité sur Max Lampin),
ou audacieux poèmes en cases uniquement typographiques (Il y a bien longtemps), la variété
du travail de Topor autour de la narration dessinée impressionne. Un ouvrage étonnant qui ravira les amateurs
de cet artiste hors normes décédé en 1997, et permettra peut-être aux autres de découvrir
un créateur inclassable à l’uvre impérissable. » (Benjamin Roure, Bodoï)
« La petite sélection d’histoires rares ici collectées comblera les amateurs d’humour
féroce plus noir que noir. Est-ce le médium qui veut cela ? Le fait est que Topor ne prend pas la moindre
pincette pour dézinguer les conformismes ambiants er zigouiller les représentants de son engeance
préférée : les cons.
Adepte d’un style minimaliste fait d’images légendées sans cases ni bulles, Topor n’en
multiplie pas moins les effets narratifs pour combiner convictions politiques et profondeurs du subconscient. Du grand art
économe. » (Frédéric Potet, Le Monde des livres)
« Roland Topor s’était essayé à presque tous les arts, non par dilettantisme –
l’amateurisme lui était étranger – mais probablement pour repousser les limites de sa création.
Parmi son uvre graphique, la bande dessinée reste peut-être l’aspect le moins connu du grand public.
Seuls quelques amateurs se souviennent encore des rares numéros d’Hara-Kiri ou de Charlie mensuel
dans lesquels il en publia avec parcimonie... Âmes sensibles s’abstenir, car il s’agit ici d’un humour
impitoyable et surtout noir, très noir... Le graphisme, minimaliste, s’offre au lecteur en noir et blanc, cette
palette qui sied si bien au fantastique (pensons aux gravures de Goya, de Redon) et à l’humour noir. Seule concession
à cette règle, une tache rouge vient ensanglanter une suite intitulée Erik, probablement
l’histoire la plus féroce de ce recueil. Du grand art, que les amateurs devraient adorer. »
(Thierry Savatier, Les mauvaises fréquentations, Lemonde.fr)
« Corrosif, pamphlétaire, borderline et hors limite, Topor bouscule notre quotidien le plus rassurant et marie
humour, férocité et impayable mauvais goût, pour déranger l’assoupissante fixité des choses et
pour conjurer l’angoisse et le surgissement de fantasmes (que nous partageons ?). L’imaginaire le plus
échevelé, l’étrange, le calamiteux, l’horrible... Topor s’y emploie avec un éclat
de rire retentissant qui va jusqu’à abolir toute possibilité d’inscription du tragique. »
(Alphonse Cugier, Liberté-Hebdo)
« Cette déprime nonchalante prospecte toutes les possibilités du dessin comme un formidable laboratoire
d’idées noires. Et même si Topor ne saurait être réduit à sa seule uvre graphique
– c’est pourtant là qu’il fut le plus prolixe –, son trait porte à jamais l’humour
jaune du petit garçon juif pourchassé par les nazis, hanté sa vie entière par l’angoisse
existentielle d’être seul au monde, et par la peur “panique” de la mort. » (Martin-Pierre Baudry, Chro)