« L’homme de Neandertal vivait dans la peur du mammouth laineux, du rhinocéros laineux, de la hyène laineuse et de la femme de Neandertal qui le traînait dans sa caverne, faisait rouler une grosse pierre devant l’entrée et l’épousait. La femme du Neandertal était dépourvue de charme, mais pourvue d’une massue. L’homme de Neandertal était si difficile à réveiller qu’on se demande si cela en valait vraiment la peine… »
Depuis les fameuses classifications d’Aristote, on n’avait rien lu d’aussi novateur que les leçons zoologiques de Will Cuppy. Après s’être penché sur les origines des hominidés et des primates, l’auteur va ainsi étudier, avec son inénarrable érudition comique, des catégories comme « Les oiseaux parfaitement imbuvables » (du hibou au coq) ou « Les mammifères carrément hideux » (de la hyène à l’ornithorynque).
Un grand classique de l’humour animalier, signé par l’homme qui n’hésita pas à écrire au sujet des pékinois : « Je ne vois vraiment pas pourquoi ils ont l’air si contents d’eux. Ils ne sont pas mieux que nous. »
Critique littéraire, Will Cuppy (1884-1949) écrivit durant l’entre-deux-guerres des chroniques humoristiques (au Herald Tribune et au New Yorker) sur ses sujets favoris, la zoologie et l’histoire. Il est ainsi l’auteur d’une trilogie drolatique sur les animaux (Comment distinguer vos amis des grands singes, Comment cesser d’exister et Comment attirer le wombat) et de l’anti-manuel d’histoire Grandeur et décadence d’un peu tout le monde.
Misanthrope au point de vivre en ermite sur une île plus d’une décennie, Will Cuppy mit fin à ses jours en 1949. Écrivain comique sans égal, qui comptait parmi ses admirateurs P. G. Wodehouse et James Thurber, il est l’incarnation même de l’adage selon lequel « l’humour est la politesse du désespoir ».
Les livres de Will Cuppy aux Nouvelles Éditions Wombat
« On n’en finit plus de découvrir Will Cuppy. C’est toujours la perfection, l’implacabilité du destin des animaux (et autres) décrits, le détail qui tue, soigneusement compilé et restitué par Cuppy, mais à sa façon lapidaire et fulgurante. Il fait mouche chaque fois, on retient la formule, qui tue. Ai-je besoin d’ajouter à quel point c’est hilarant ? Tout est vrai, vraisemblable, et tout est construit de telle façon que c’est au final absurde, farfelu, monstrueux. Un style, un vrai. » (Yves Frémion, Fluide glacial)
« Un faux traité d’anthropologie et de zoologie, mais un sommet d’humour et de misanthropie. Il est de ces écrivains dont on se demande s’ils n’ont pas été inventés par un auteur de dictionnaire des citations : à coups de phrases hilarantes et pleines d’une absurde sagesse, Will Cuppy s’est taillé une place de choix dans ce type d’ouvrages. (…) Cuppy procède en mélangeant données scientifiques sérieuses, observations personnelles et digressions géniales. Ce pastiche de texte scientifique est autant un chef-d’œuvre d’humour qu’un très sérieux précis de misanthropie. » (Raphaëlle Leyris, Les Inrockuptibles)
« Il est temps de faire du mauvais esprit. Will Cuppy met en grande forme. Il fait rire aux éclats, il redonne goût à l’insolence, il rappelle à quel point est précieux le plaisir de mettre en déroute le bon sens, le terrible bon sens mou, qui semble dire la vérité vraie, quand il n’est que de l’idéologie dominante. Will Cuppy, de la première génération des écrivains du New Yorker, entend ici proposer à “l’homme, cette épave névrosée”, un traité, bref mais encyclopédique, lui présentant ses prédécesseurs, et ses frères inférieurs. De l’homme de Heidelberg, tout en mâchoire, à cause de son idiome agglutinant, “et qui ne répondait aux questions que par une autre question”, à l’homme de Neandertal, qui vivait à une époque rendue dangereuse par l’omniprésence des glaciers encore à l’état sauvage et redoutablement véloces, on s’instruit agréablement sur la préhistoire, avant d’aborder le vaste domaine animal. (…) Will Cuppy n’a peur de rien : ni de froisser le bon goût (l’autre nom de l’ordre moral, comme disait Hugo), ni de taquiner la logique propre à la fantaisie verbale, et c’est égayant, c’est libérateur. » (Évelyne Pieiller, L’Humanité)