« Ayons le courage de regarder les choses en face. On se fout de nous avec ces images d’Épinal de la vieillesse calme et sereine, l’arrivée au port, tout le répertoire. Non. Les bons vieux, ça n’existe pas. La vieillesse heureuse, telle qu’on se la rêve, dans la jolie maison fleurie, c’est une illusion d’homme encore jeune, une illusion entretenue, un tranquillisant, une bonne conscience, un opium. La vieillesse entourée de fleurs, c’est la décrépitude décorée.
Il ne s’agit pas de prolonger l’horreur, de la farder. Il s’agit de la supprimer. À bas la mort ! »
Et si on envoyait la mort se faire voir ailleurs ? Si les progrès de la biologie et du savoir sur les cellules et l’ADN nous permettaient, dans un avenir pas si lointain, de stopper le vieillissement ? Ce processus est-il inéluctable, ou une maladie dont on pourrait guérir ? Car être immortel ne signifie pas ne pas mourir (de maladie ou d’accident), mais bien ne plus être condamnés d’avance par le tic-tac fatal de la dégénérescence.
De 1969 à 2013, dans les pages de Charlie hebdo, Cavanna développa cette réflexion, nourrie de lectures (Jacques Monod, François Jacob…) et d’échanges avec des biologistes (tel Lionel Simonneau, alors jeune chercheur à l’INSERM, qui signe la postface), en abordant aussi le thème de plus en plus présent de l’euthanasie.
Stop-Crève ! Rêverie scientifique farfelue, coup de gueule désespéré, ou but primordial que doit se fixer l’humanité ? Avec gravité et virulence, Cavanna s’attaque à l’ultime tabou et invite à changer notre manière de penser.
« La première fois que j’ai parlé à Cavanna, en 1976, ce fut pour lui dire à quel point j’avais été soufflé par la lecture de son Stop-Crève… Lire ça à vingt-trois ans (l’âge que j’avais à l’époque), ça marque. » (Jean Teulé)
À l’occasion du centenaire de la naissance de l’auteur, Wombat publie simultanément une anthologie originale de ses nécrologies : Le dernier qui restera se tapera toutes les veuves.
« Même les plus cons ont leur jour de gloire : leur anniversaire. » (Cavanna)
Issu d’une famille franco-italienne de Nogent-sur-Marne, François Cavanna (1923-2014) débute comme dessinateur humoristique à l’orée des années 1950, après avoir connu la désolation de la Seconde Guerre mondiale. Avec le futur Professeur Choron, il lance en 1960 le sulfureux mensuel d’humour « bête et méchant » Hara-Kiri, s’entourant d’une équipe de talentueux artistes (Fred, Reiser, Cabu, Gébé, Topor, Wolinski…). Sa version hebdomadaire, L’Hebdo Hara-Kiri, interdite en 1970, donnera naissance à Charlie hebdo.
Devenu le principal chroniqueur de ces journaux, il se révèle au grand public comme un écrivain majeur avec ses récits autobiographiques Les Ritals (1978) et Les Russkoffs (1979, prix Interallié), cycle conclu avec le posthume Crève, Ducon (2020). Il signera au total plus de soixante livres, aussi percutant dans le texte d’humour (L’Aurore de l’humanité), le roman historique (Les Fosses carolines) et l’essai (Lettre ouverte aux culs-bénits).
Son humanisme et son rationalisme, sa verve et son humour, sa lucidité et ses « coups de sang » (en faveur du pacifisme, de la laïcité, de l’écologie et de la défense des animaux…), enfin sa lutte incessante contre la bêtise auront marqué plusieurs générations de lecteurs.
Les livres de François Cavanna chez Wombat
– Le dernier qui restera se tapera toutes les veuves
Les dix chapitres composant Stop-Crève sont parus, sous leur forme initiale de chroniques, dans L’Hebdo Hara-Kiri et Charlie hebdo entre 1969 et 1975. Un premier recueil a été publié aux éditions Jean-Jacques Pauvert en 1976, rapidement épuisé et jamais réimprimé. Au début des années 1980, Cavanna remania et augmenta son texte en vue d’une nouvelle édition (précédée d’un avant-propos original) qui ne verra jamais le jour. C’est cette version définitive et inédite que nous reproduisons ici.
Cavanna n’en continua pas moins de poursuivre sa réflexion sur ce thème fondamental, qui lui tenait particulièrement à cœur, ainsi que sur le sujet de plus en plus prégnant de l’euthanasie, jusqu’à sa disparition en 2014. La présente édition reproduit à la suite ces textes ultérieurs (« C’est pas fini ! », de 1977 à 2012), comme autant d’échos au terrible et passionnant « coup de gueule » de Stop-Crève.
Ce livre est postfacé par Lionel Simonneau, alors jeune chercheur en biologie à l’INSERM, qui rencontra Cavanna dès 1978 pour échanger ses connaissances et ses réflexions avec l’auteur.